
Curieusement, ce n’est pas le nom que lui a donné le législateur. La loi du 6 décembre 2013 n’a pas institué un parquet national financier mais un « procureur de la République financier ». C’était en réaction à l’affaire Cahuzac, dont rien ne permet toutefois de penser qu’elle aurait été évitée si ce procureur financier lui avait préexisté.
L’idée est en tout cas d’avoir un parquet à compétence nationale pour certaines infractions financières graves, comme il existe un procureur à compétence nationale pour les affaires de terrorisme, c’est-à-dire le procureur de la République de Paris que les Français ont découvert en la personne de François MOLINS lors des attentats djihadistes.
L’étude d’impact de la loi indiquait que pour être efficace, chaque magistrat de ce parquet pouvait traiter huit dossiers simultanément: pour les 260 dossiers prévus en vitesse de croisière, il fallait donc 22 magistrats. En fait, trois ans plus tard, le nombre de dossiers traités est de 360 mais le nombre de magistrats de 15 : 24 dossiers par magistrat, trois fois plus que ce qui permet de traiter sérieusement les dossiers. Ne pensez pas que le procureur de la République financier demande que l’on limite le nombre de ses dossiers ; au contraire, comme toute autorité, il demande à accroitre son champ d’intervention.
La pratique du procureur de la République financier tend par ailleurs à éviter les juges d’instruction : en 2014, les deux tiers des affaires faisaient l’objet d’une information judiciaire, mi-octobre 2016 la proportion est tombée à un quart. Le procureur a-t-il compris que la procédure d’instruction est un enlisement de première classe des affaires financières ? Ou veut-il garder la main sur tous ces dossiers sensibles ? Ou les deux ?
La loi définit les compétences de ce nouveau parquet qui ne peut donc pas se saisir de n’importe quelle affaire à son goût. Il a une compétence exclusive pour les délits boursiers. Il est compétent pour les délits de corruption à l’étranger, ainsi que pour les fraudes fiscales aggravées. Pour ce qu’on appelle les infractions à la probité, telles que la corruption ou le détournement de fonds public, il n’est compétent que pour « les affaires qui sont ou apparaitraient d’une grande complexité, en raison notamment du grand nombre d’auteurs, de complices, ou de victimes, ou du ressort géographique sur lequel elles s’étendent ». L’affaire Fillon est-elle d’une grande complexité ?
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